Lettre ouverte des étudiant.e.s de Paris-Descartes en soutien aux enseignant.e.s en lutte contre le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche

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     Il y a plusieurs mois, les enseignant.e.s et l’ensemble des membres de la communauté universitaire se sont mobilisé.e.s pour militer contre la sélection, la discrimination et les inégalités encouragées par la hausse des frais d’inscriptions pour les étudiant.e.s extra-européen.ne.s dans le plan du gouvernement intitulé « Bienvenue en France ».

Étudiant.e.s, c’est à notre tour d’affirmer notre soutien et de nous mobiliser aux côtés de nos enseignant.e.s en lutte contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) qui s’attaque au statut d’enseignant.e-chercheur.e mais aussi à l’ensemble du modèle universitaire français. Les conséquences de cette réforme vont être nombreuses et désastreuses* : 

  • l’encouragement de la concurrence entre établissements et enseignant.e.s alors que la recherche devrait être basée sur la coopération

  • une recherche pilotée par le gouvernement et au service des entreprises

  • l’assurance de la précarité pour les enseignant.e.s avec des contrats courts et instables

  • la loi de l’argent avec le conditionnement des projets à leur financement

Ce soutien s’inscrit dans une perspective plus large car les étudiant.e.s, les enseignant.e.s et le personnel de l’université luttent aussi, au côté des autres travailleur.euse.s, contre le projet de réforme des retraites et au-delà, contre toutes les politiques qui mènent à une dégradation de nos conditions de travail et de vie.

 

     Nous, étudiant.e.s de Paris-Descartes, apportons notre soutien à nos professeur.e.s. Ce soutien s’inscrit dans une démarche collective de lutte contre la précarité, de l’université à la retraite, et contre la destruction de l’enseignement supérieur et de la recherche. Si nous soutenons aujourd’hui nos professeur.e.s, c’est parce que nous pensons qu’une lutte ne peut se mener en étant seul.e.s et que si l’université dans son ensemble s’unit, nos différentes actions seront plus efficaces. 

Nous avons pris l'initiative de cette lettre pour préserver les différentes parties prenantes de l’université. Les étudiant.e.s signataires encouragent les professeur.e.s à se mobiliser mais nous leur demandons aussi de se montrer conciliant.e.s quant aux cours manqués et de mettre en place les outils nécessaires pour ne pas pénaliser les étudiant.e.s mobilisé.e.s, notamment les boursier.e.s pour qui les sanctions en cas d’absence peuvent coûter cher. 

Signer cette lettre, c’est montrer son opposition aux différentes réformes actuelles. Nous savons que beaucoup d’entre nous y sont opposé.e.s mais peut-être, parce que peu habitué.e.s aux manières de se mobiliser ou ne se sentant pas légitimes, ne s’engagent pas dans cette lutte. Nous leur proposons un moyen non compromettant de s’exprimer, de témoigner leur soutien aux valeurs de l’université française et leur opposition à la logique de rendement qui détruit les acquis sociaux. Cette démarche n’est pas contradictoire avec la mobilisation des étudiant.e.s, elle lui est complémentaire.

Nous réaffirmons notre engagement auprès des professeur.e.s de l’université, contre la LPPR et la réforme des retraites. 

Les étudiant.e.s mobilisé.e.s de Paris-Descartes

 

*LA LPPR EN BREF

La succession de réformes de l’enseignement supérieur a mené l’université à une situation difficile. Les recrutements diminuent alors que le nombre d’étudiant.e.s augmente. Les enseignant.e.s-vacataires sont payé.e.s au rabais avec des salaires souvent annualisés (versés à la fin de l’année plutôt que chaque mois). La LPPR ne fera que renforcer ces situations précaires et dégrader l’ensemble de l’enseignement supérieur et de la recherche. 

Cette réforme vise à faire de la recherche non un bien commun mais une marchandise au profit des entreprises privées. En effet, dans le langage managérial utilisé par les rapporteur.e.s du projet de loi, la recherche française n’est pas assez compétitive (entendre par là qu’elle ne profite pas assez aux entreprises). La LPPR compte y remédier.

L’encouragement de la concurrence

Une sélection “darwinienne” (selon les propres termes du PDG du CNRS) doit être faite, passant par l’instauration de la concurrence entre établissements et enseignant.e.s :  

  • le budget alloué à la recherche va être augmenté mais concentré vers les établissements et laboratoires considérés comme les plus “performants”, entraînant le délaissement des autres.

  • le nombre d’heures d’enseignement ne sera plus limité à 192h : les enseignant.e.s-chercheur.euse.s devront s’adapter aux besoins des UFR (sans être mieux payé.e.s pour leurs heures supplémentaires). Ceux et celles considéré.e.s comme “excellent.e.s” (évalué.e.s selon leurs “performances”) auront le droit de dispenser moins d’heures de cours au profit de leurs travaux, les plus “mauvais.e.s” compenseront.

Une recherche pilotée par le gouvernement et au service des entreprises

  • la réforme recommande le remplacement du Conseil Supérieur de la Recherche par un Conseil stratégique de la recherche et de l’innovation, rattaché au Premier Ministre. C’est lui qui pilotera les grandes orientations de la recherche : les chercheur.euse.s devront s’y plier.

  • le projet préconise “l’exposition de l’ensemble des doctorants à la recherche privée ou partenariale” et d’autres mesures encourageant les chercheur.euse.s à travailler en entreprise : la recherche non entrepreneuriale est considérée par le gouvernement comme inutile.

  • les disciplines “peu compétitives” devront s’adapter. Pour les sciences sociales et humaines, l’allongement du financement de la thèse au-delà de 3 ans (souvent nécessaire pour des recherches qui reposent sur l’observation de terrain) sera conditionné à un stage d’immersion en entreprise ou en administration (sans lien avec la recherche donc) pendant 3 à 6 mois. Les recherches devront être mises au service des “défis sociétaux” : intelligence artificielle, développement durable, relations homme/machine. Tant pis pour les autres objets de recherche. 

L’assurance de la précarité et la dépendance aux financements

Dans cette logique de compétitivité, la LPPR prévoit le développement de contrats précaires pour les chercheur.euse.s :

  • les “CDI de mission scientifique” (déjà en place pour les BIATSS) se multiplieront : à la fin du projet, ou lorsque celui-ci n’a plus de financement, les participant.e.s sont licencié.e.s.

  • les tenure-tracks, en vigueur dans les pays anglo-saxons, seront importés en France : ils consistent en une titularisation conditionnelle des chercheur.euse.s au bout d’un contrat de 5 à 7 ans selon les “critères d’excellence internationaux”, notamment la “capacité démontrée à obtenir des financements” pour leurs recherches.

Mobilisation créée par Les étudiant.e.s mobilisé.e.s de l'université Paris-Descartes
26/1/2020

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